Collège des Paramédicaux

La filière TAVI au CHU de Strasbourg représente environ 600 dossiers par an pour 500 procédures réalisées, avec un délai moyen pré-interventionnel de 3 à 4 mois. Ce qui veut dire que la file active est en permanence d’environ 120 dossiers. Face à la complexité de la gestion de ces patients âgés, fragiles et qui nécessitent un accompagnement particulier pour l’organisation des examens, un poste d’infirmière coordinatrice a été créé en mars 2018.
 
Après plusieurs années en réanimation chirurgicale cardiaque, j’ai pu intégrer ce poste dès sa création, participer à l’élaboration d’une fiche de poste, acter les évolutions qui se sont avérées nécessaires avec le temps, y faire mûrir des projets. Avec le temps et l’accroissement de l’activité et des tâches dévolues à la coordination, j’ai été rejointe par une collègue infirmière, et il y a maintenant deux postes à temps plein.
 
Nous avons trois principales tâches :
Le suivi des dossiers de l’entrée dans la filière jusqu’à la procédure,
L’information des patients, de leur famille et des personnels médicaux ou paramédicaux gravitant autour du patient,
La logistique des examens complémentaires et du planning d’interventions.
 
Auteure : Fanny MUNCH
Infirmière coordinatrice - CHU de Strasbourg 

Suivi des dossiers, le challenge de l’exhaustivité


Dès qu’un cardiologue de ville ou hospitalier dépiste un rétrécissement aortique serré chez un patient relevant d’une procédure percutanée et non chirurgicale (de manière simplifiée, chez un patient de plus de 75 ans), nous sommes contactées et le dossier nous est transmis. Il nous appartient d’analyser le dossier selon des critères protocolisés avec notre équipe médicale pour définir la conduite à tenir. Soit le dossier répond aux critères de bilan pré-interventionnel standard (90% des dossiers) et nous organisons d’emblée le bilan pré-interventionnel, soit le dossier comporte des critères d’urgence ou de complexité qui le fait sortir des critères standards et nous en référons à un membre de l’équipe médicale. Ce système de pré-tri permet de moins solliciter les équipes médicales et de gagner du temps, mais il n’a pu être instauré qu’une fois les critères bien définis et surtout la confiance réciproque établie. 

Une fois le bilan organisé (en hospitalisation conventionnelle ou en hospitalisation de jour), nous sommes en charge de communiquer aux équipes paramédicales accueillant le patient les informations nécessaires pour une prise en charge optimale, et de récupérer l’ensemble des résultats d’examen. L’ensemble des éléments sera discuté en réunion pluridisciplinaire afin qu’une décision collégiale soit prise concernant l’indication de l’intervention. Suite à la réunion, nous allons tracer la décision médicale dans le dossier informatique, en informer les médecins correspondants du patient et sauf cas particulier, le patient lui-même. La consultation d’anesthésie et l’hospitalisation pour la procédure seront organisées par nos soins en accord avec le patient.

Durant les quelques mois que prennent les différentes étapes du parcours, il peut arriver de nombreux évènements médicaux chez ces patients âgés présentant souvent de nombreuses comorbidités. Il va falloir tenir à jour le dossier en fonction des ré-hospitalisations, des changements de symptômes, des évènements intercurrents… Et filtrer comme précédemment les informations nécessitant une attention médicale et celles pouvant être simplement consignées dans le dossier.

Le défi principal de ce poste est l’exhaustivité, aucun patient ne doit être « oublié » en cours de route, les cardiologues libéraux considérant qu’ils nous ont confié leur patient, et nos cardiologues interventionnels n’ayant pas en tête la longue liste de patients qui leur sont adressés. Nous sommes responsables de mener à terme l’ensemble du processus et de signaler aux médecins référents toute aggravation ou changement de situation nécessitant leur attention et une décision médicale. 

Un patient bien informé est un patient acteur de sa prise en charge


Une intervention cardiaque, même par cathétérisme et non par chirurgie, représente un événement de taille pour ces patients âgés. Nombreuses sont les idées préconçues, les représentations erronées sur ce « qui vaut encore le coup à cet âge » et sur la gravité de la pathologie. Seule une information claire et loyale sur les bénéfices et les risques de l’intervention, présentée en regard de l’évolution naturelle de la pathologie, permet un consentement éclairé. Si cette information est de la responsabilité des cardiologues adresseurs et du médecin pratiquant l’intervention, nous sommes là pour réexpliquer, reformuler, répondre aux questions que les patients n’osent pas poser au corps médical. La décision finale revient au patient, mais il est de notre devoir de nous assurer qu’il ait bien compris ce qui lui est proposé. 

Nous proposons plusieurs modalités pour dispenser cette information. Notre cardio-gériatre propose tous les lundis une réunion d’une heure environ en visioconférence balayant les explications sur la pathologie, la procédure, les complications potentielles et le bénéfice attendu de l’intervention, et un temps d’échange pour répondre aux questions. Ce mode d’information est privilégié en général par les enfants de nos patients, ou ceux parmi nos patients les plus jeunes et les plus à l’aise avec la technologie, et particulièrement apprécié des personnes vivant loin du CHU. Il y a en moyenne 2 à 4 patients et leurs familles, et ils verbalisent généralement en fin de réunion une compréhension beaucoup plus claire des tenants et des aboutissants de la procédure.

Nous rencontrons également les patients en consultation infirmière, de préférence avec un membre de leur famille, mais en consultation individuelle d’une heure environ. Nous reprenons avec eux ce qu’ils ont compris des informations déjà reçues, corrigeons et complétons leurs connaissances. Comme en réunion en visioconférence, nous projetons une vidéo schématisant l’intervention, des schémas du cœur et de la valve aortique… C’est aussi le moment pour discuter du retour à domicile, habituellement au troisième jour post-interventionnel, avec un·e infirmier·ère libéral·e sous couvert d’un centre d’hospitalisation à domicile, à raison de deux passages par jour pendant une semaine. Nous privilégions les soignants habituels du patient s’il y en a déjà, et nous recherchons les éléments pouvant compliquer le retour à domicile ou nécessitant une attention particulière lors de l’organisation des hospitalisations (patient aidant d’un conjoint dépendant, personne isolée, sous tutelle, etc.). Il nous appartient de coordonner l’ensemble des examens et hospitalisation en concertation avec l’environnement soignant et social habituel du patient.

L’équipe de coordination est joignable aux horaires de bureau pour les patients, leurs familles, les médecins correspondants, les hôpitaux périphériques… Pour les patients, c’est un contact rassurant dans le monde complexe de l’hôpital, une personne qu’ils ont déjà vue ou eue en ligne ; un point d’ancrage dans leur parcours qui aide à l’apaisement de l’anxiété. Pour les interlocuteurs médicaux intra ou extra hospitaliers, nous sommes un contact de référence pour connaître l’avancement d’un dossier, transmettre des informations médicales nouvelles, se renseigner sur la procédure pour les médecins encore peu coutumiers de cette prise en charge (généralistes principalement).

Organisation, logistique, planification = coordination !


Pour le troisième volet de notre travail, une mission d’envergure de par le contexte hospitalier actuel : coordonner l’ensemble des créneaux d’examens et des créneaux opératoires et tenant compte du niveau d’urgence des patients et des ressources hospitalières… Un casse-tête au quotidien pour s’assurer qu’aucun des créneaux de scanner, de coronarographie, d’anesthésie, d’échographie et d’intervention qui nous sont réservés ne soit perdu, car la liste d’attente est longue et les décès en attente d’intervention largement supérieurs à la mortalité sur la table.

C’est donc un programme perpétuellement changeant au gré des urgences qui nous arrivent, des congés de médecins, des lits finalement non disponibles et des annulations de dernière minute pour cause de frottis COVID +, etc. Une tâche plutôt ingrate donc, impliquant de défaire parfois ce que l’on a fait la veille, mais une tâche indispensable au fonctionnement le plus fluide possible de cette filière. Mais cette flexibilité a aussi ses bons côtés : étant autonomes sur la programmation de l’ensemble des examens et des interventions, nous n’avons pas à négocier de créneaux de prise en charge pour nos patients. Au prix de moyens de communication bien rodés dans l’équipe et avec les autres services, notre organisation a fait ses preuves et nous assure une certaine légitimité auprès des médecins, des cadres et des équipes pour être force de proposition lorsqu’il faut impulser des changements organisationnels.

La coordination infirmière, un métier relativement récent mais sûrement plein d’avenir !


Si l’on accepte la contrainte de passer pas mal de temps derrière un bureau, à faire plus de frappe au clavier que de soins infirmiers, la coordination peut être un travail passionnant, surtout dans un secteur qui évolue très vite médicalement comme la cardiologie interventionnelle percutanée. Il est nécessaire de se tenir au courant des techniques d’intervention pour pouvoir les expliquer et organiser les examens en fonction de ce qui est nécessaire pour chaque type de procédure. 

L’avantage certain pour l’infirmier ou l’infirmière est aussi le travail en horaires de jour, sans week-end ni nuit. Pour le monde hospitalier, le personnel de coordination joue aussi un rôle clé dans la gestion des ressources limitées face à un accroissement du nombre de patients à prendre en charge. Impliqués dans plusieurs services à la fois, les infirmiers coordinateurs ont une vision d’ensemble du parcours patient, une bonne compréhension des contraintes logistiques et du fonctionnement du pôle dans lequel ils travaillent. À titre personnel, j’y vois une alternative aux postes de cadres pour le côté travail en horaires de jour et en termes de responsabilités, mais en gardant le contact quotidien et central avec les patients qui fait le cœur et la beauté de notre métier !
 

À propos du Collège des Paramédicaux


Fondé en 1999, le Collège des Paramédicaux est la communauté de la SFC qui regroupe toutes les professions paramédicales : infirmier·ère·s, diététicien·nes, kinésithérapeutes, manipulateur·rice·s en électroradiologie, puériculteur·rice·s, technicien·ne·s de laboratoire, etc. En savoir plus >>

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